PLANTES PHOTOSENSIBLES

Projet en collaboration avec le photographe Jonathan Mourglia

« À la base, il y a sans doute une discussion. Les sujets, très souvent, alternent. De la cuisine à la neige. D’écologie aux exercices d’arpèges. De photographie au mistral qui souffle. Il y a des livres et des textes qui s’échangent, parfois s’écrivent, se répondent. Des photos qui gravitent. Des idées qui crépitent. Et puis, à un moment, il y a livre de Gilles Clément qui (re)surgit, Eloge des vagabondes, où il fait mention de la grande Berce du Caucase.
Lors d’un voyage dans le Caucase en 1890, les botanistes Émile Levier et Stéphane Sommier rapportent avec eux les graines de cette grande ombellifère. L’horticulteur Henri Correvon les sèment, et la plante se répand rapidement, du canton de Vaud, à toute l’Europe où elle est très appréciée dans les jardins. Robuste, capable de se régénérer, cette plante s’implante partout où le sol lui permet de vivre. Dès les années 1890, on lui découvre une action photosensibilisante. On peut donc se faire brûler par la Berce qui, parfois surnommée berce-poison, est interdite dans certains jardins, de même que l’on peut se faire brûler par de la carotte sauvage, du fenouil commun, de l’angélique vraie, du Dictame blanc, etc. Il y a donc des plantes qui brûlent, du fait de la réaction de leur sève à notre transpiration puis de l’exposition au soleil. Elles brûlent, marquent notre peau parfois durablement. 

Ces végétaux photosensibles sont des exemples parmi d’autres de la diversité des interactions possibles qu’entretient le vivant avec les rayonnements lumineux. Il suffit de prendre le temps d’observer la courbure des arbres en forêt pour se convaincre de cette poussée vers la lumière à travers un foisonnement de formes. Prendre le temps, le fixer, c’est aussi ce que d’ordinaire nous attribuons à la photographie, la date retenue pour son invention étant d’ailleurs celle de la trouvaille chimique de la fixation des images, les principes optiques et la sensibilité des métaux étant quand à eux connus depuis longtemps. 

Mais cette vision d’une fixité des images photographiques ne doit-elle pas justement être mise en doute ? Les végétaux présentés ici ne sont pas photographiés mais dessinés. Reproduisant minutieusement chacune de ces plantes, ces images ont pris le temps du dessin mais aussi, en retour, celui du végétal et de son développement. Le temps du crayon retrouve celui de la nature. Il encre et ancre. Il glisse sur le papier, revient sur sa ligne, appréhende la structure de la plante sans, pour autant, prétendre pouvoir tout saisir. »